Montreal is rightly proud of the fact that it has created a veritable “festival industry”, with the Jazz Festival, Just for Laughs and Francofolies. Other cities have also done their bit, such as Quebec City with its Summer Festival, Matane with its Shrimp Festival and Saint Tite with its Western Festival.

Impressive though they are, these festivals are put together by large, finely tuned organizations. As odd as the observation might sound, the only thing “popular” about them is that they are very popular. Genuinely “popular” festivals — where events flow from a collective will to be together and celebrate while strengthening a sense of belonging to a street, a neighbourhood or a town — are quite rare in our neck of the woods.

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— Translation by Raghu Krishnan.


Editor notes: Quebec-based commentator Gil Courtemanche’s column is published every two weeks in Le Devoir. It appears at rabble.ca with permission.

Gil Courtemanche writes in French. As many of you read French, we’re offering you a chance to read Gil’s commentaries in the language in which they’re written. Please continue to let rabble know what you think of this approach.


Les Pays Bretons

Montréal se targue à juste titre d’avoir développé une véritable “industrie de la fête” avec son festival du jazz, celui du rire et les FrancoFolies. D’autres villes, comme Québec avec son Festival d’été, Matane avec celui de la crevette ou Saint-Tite avec son Festival western, ne sont pas en reste.

Ces activités festivalières, toutes formidables qu’elles soient, sont le fait de grosses organisations bien rodées et n’ont de populaire que leur popularité, si on me permet ce paradoxe. Les fêtes populaires, les activités issues d’une volonté collective d’être ensemble et de se réjouir en solidifiant en même temps son appartenance à une rue, à un quartier, à un village, sont rares chez nous.

Il y a bien sûr la Saint-Jean-Baptiste, avec ses fêtes de quartier et ses repas collectifs. Chaque année, en parcourant la bigarrée rue Saint-Viateur le jour du 24 juin, je me prends à rêver entre les étals de nourriture, les petites scènes et les amuseurs de rue. Il se dégage de cette fête tant de chaleur et de convivialité que je me demande pourquoi les citoyens du quartier n’organisent pas une activité identique chaque semaine. Prendre possession de la rue, partager le poulet portugais, le poisson grec, la saucisse allemande, parler de la vie du quartier, s’approprier son environnement immédiat, voilà, me semble-t-il, une prise en main citoyenne de son petit pays quotidien. Puis je me dis que c’est peut-être trop compliqué, que c’est trop demander à des gens qui ne sont après tout que des bénévoles. Je me disais, plutôt. Car j’ai découvert après un extraordinaire séjour de trois semaines dans le sud de la Bretagne que tout un pays peut être en fête populaire permanente.

J’habitais alors Larmor, une petite station balnéaire familiale dominée par une église dont la construction a débuté dans les années 1200. Chaque jeudi soir, à l’ombre du magnifique clocher carré, des bénévoles d’une association locale (club de pêche ou de pétanque) dressent des tables pour le repas populaire.

Parfois, ce sont des soirées sardine et thon, cochon rôti ou encore grillades et andouilles. Des artisans disposent leurs étals, des amuseurs se promènent entre les tables et le tout se termine généralement par un petit concert de musique traditionnelle ou de rock par un groupe local. Les menus profits de la vente de la nourriture et des boissons serviront à financer les activités de l’association responsable de la soirée.

De la plage de Larmor, on peut voir à quelques centaines de mètres l’imposante forteresse de Port-Louis, d’où partaient les navires de la Compagnie des Indes vers l’Orient. Tous les mardis soir, le centre de la vieille ville se transforme en un joyeux capharnaüm. C’est le traditionnel marché nocturne. Vêtements, saucisses, pain artisanal, bibelots et breloques, livres anciens, mauvaises ou délicieuses aquarelles, on peut tout acheter dans les petites rues étroites. Sur le parvis d’une église, devant des enfants qui dansent, une blonde platine pousse du mauvais Piaf. Ãe un carrefour, un bagad — orchestre traditionnel comprenant cornemuses, pipeaux et tambours — enchante autant les grands-mères que les ados au nez percé. Ici, c’est la municipalité qui organise cette sympathique foire.

Chaque matin, je parcourais Ouest-France, le quotidien régional, pour découvrir avec ravissement que tous les pays de la région étaient en fête permanente. Je dis bien pays car en Bretagne, chaque commune s’appelle ainsi, et c’est par ce nom qu’on désigne les communautés dans le journal.

Il y a donc dans ce quotidien le calendrier des fêtes populaires dans les pays de Lorient, de Lanester, de Hennebont, de Port-Scoff, de Ploemoeur, de Guidel, de Cléguer, de Quéven de Caudan, et j’en passe. Ces dizaines de pays sont tous situés dans un rayon d’une trentaine de kilomètres de Lorient, la ville principale. Là, c’est un tournoi de pétanque; ici, c’est un concert de musique sacrée dans une chapelle qui ne contient qu’une centaine de places; ailleurs, c’est un tournoi de sports traditionnels bretons et, un peu partout, c’est le fest-noz, une grande bouffe collective qu’on dévore sous les étoiles en écoutant le bagad du pays.

Cette véritable culture de la fête populaire fait bien sûr plaisir aux vacanciers, aux habitants du coin et aux commerçants, mais elle a eu aussi un effet déterminant sur la véritable renaissance de la culture bretonne. Des dizaines de milliers de jeunes ont retrouvé les instruments de la musique traditionnelle. Avec leurs aînés, ils ont insufflé à cette musique une vigueur nouvelle et contemporaine, un peu comme La Bottine souriante. Alors qu’on en comptait quelques dizaines il y a une vingtaine d’années, il existe aujourd’hui plus de 800 bagads en Bretagne. Outre les fest-noz, on organise un peu partout des tournois de bagads auxquels assistent des milliers de personnes.

Cette multiplication des fêtes collectives a des effets encore plus fondamentaux. Elle resserre le tissu social, minimise le fossé des générations et cultive le sentiment d’appartenance et de vie collective. On dit souvent, et avec raison, que les Bretons et les Québécois possèdent beaucoup de traits communs. Voilà un trait breton qui ne nous serait pas difficile de développer, que ce soit dans nos quartiers ou dans nos villages. Cela nous permettrait peut-être de découvrir que le vrai pays n’est pas nécessairement un Ã0/00tat, mais le lieu qu’on habite et qu’on fête.