Photo: CSN/refusons.org  Raynald Leblanc

Au bout du compte, le Québec est indiscutablement une composante essentielle de cette grande Confédération canadienne. Personne n’en doutera, bien sûr, d’autant que ces jours-ci, la question nationale n’est pas vraiment au cœur des discussions dans les chaumières.

Mais à voir les efforts déployés par le tandem Harper-Couillard pour faire transiter le pétrole sale des sables bitumineux de l’Ouest par le Québec, il est à se demander si nous ne renouons pas avec l’origine de la fondation du Canada, alors que la construction du chemin de fer avait relié toutes les colonies britanniques, pour le plus grand bien des capitalistes anglais.

Au cœur de la stratégie capitaliste actuelle, il n’y a pas que par le train qu’on veut unir le Canada. Il y a aussi le pipeline, au bout duquel, il y a le fleuve Saint-Laurent. Mais pour le Québec, il s’agit plutôt d’un mur. Qu’y gagnerait la société québécoise à les voir aboutir ? Rien en considération des dangers pour l’écologie et pas grand-chose de démontré au regard de l’emploi et de l’économie. 

Le premier ministre Philippe Couillard, qui s’est fait un grand promoteur de la création d’emplois lors de la campagne électorale qui l’a mené au pouvoir, aurait dû jeter un œil sur certaines études, qui ont été nombreuses à démontrer que toute la lubie de Stephen Harper pour l’or noir albertain a eu des effets catastrophiques pour l’est du Canada sur le plan économique et, au premier chef, le Québec.

Le « syndrome hollandais »

Déjà, en 2012, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) lançait un avertissement au Canada. Selon elle, Ottawa ne devait pas mettre tous ses œufs dans le même baril pétrolier afin de « maintenir les hauts niveaux d’emploi et d’assurer une distribution équitable de la richesse entre toutes les régions ». Ainsi selon l’OCDE, alors que l’Alberta, la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador ont « prospéré », le Québec et les autres provinces ont vu les emplois reculer devant l’explosion du prix des produits de base qui a renforcé le dollar canadien. Des secteurs vulnérables au taux de change, comme l’industrie manufacturière et le tourisme, ont alors écopé. C’est ce qui a fait dire aux commentateurs que le Canada souffrait du « mal hollandais ». 

Des emplois effacés

Depuis que le parti de Stephen Harper a été porté au pouvoir, au début des années 2000, pas moins de 500 000 emplois du secteur manufacturier ont disparu, dont une part considérable en raison de l’accroissement du dollar canadien dont la valeur s’est accrue du fait de la production pétrolière issue des sables bitumineux. Au Québec, pas moins de 160 000 emplois de ce secteur ont été perdus au cours des dernières années. Depuis le début de 2014, les pertes s’élèvent à quelque 100 000 emplois à temps plein, dont 82 000 depuis l’élection du PLQ et 30 000 en octobre seulement.

Au cours de la campagne électorale, le PLQ avait pourtant promis qu’il créerait 250 000 emplois durant le mandat, dont 35 000 cette année…

Que le premier ministre Couillard ne semble pas trop s’offusquer des pertes d’emplois du secteur manufacturier, dont un nombre important découle des choix des conservateurs, ajoute au caractère honteux de son soutien aux politiques de son homologue fédéral.

Est-ce à dire que les mesures d’austérité du gouvernement libéral ne conduisent pas qu’à un déficit social, en raison des coupes dans des services et des programmes qui visent à redistribuer la richesse, mais aussi à appauvrir carrément le Québec ? La réponse est dans la question, selon moi.

Un dangereux tandem 

Au fond, la complaisance de Philippe Couillard devant les politiques régressives du gouvernement conservateur, qui frappent particulièrement le Québec, ne surprend guère. En procédant au démantèlement de notre État social, ne cherche-t-il pas à transformer le Québec en une province canadienne comme les autres, elles-mêmes prenant exemple sur certains États au sud de chez-nous ? 

Il est tout de même choquant de constater son silence à l’égard du déséquilibre fiscal, alors que le fédéral a pu se créer de bonnes marges de manœuvre budgétaires en partie en agissant sur des programmes de juridiction provinciale, comme les transferts en santé et la péréquation, ou en sabrant l’assurance-emploi, ce qui a eu un impact sur l’aide sociale ici.

La réponse que le premier ministre Couillard a donnée à propos de l’accroissement de la présence des superpétroliers sur le fleuve Saint-Laurent est aussi navrante. Il s’agirait, selon lui, du tribut versé par le Québec à l’économie coast to coast en échange de la « générosité » bien canadienne découlant de la péréquation. Un peu plus et il nous dirait d’en rembourser une partie… Cette vision démontre avec éloquence la vision d’austérité qui aveugle le Parti libéral au pouvoir à Québec : pas question de considérer la recherche de nouveaux revenus pour parvenir à l’équilibre budgétaire, même s’il s’agit de réclamer plus d’équité d’Ottawa.

Dans le mémoire qu’elle déposait à la Commission de révision de la fiscalité la CSN a d’ailleurs fait état de l’excédent fédéral qui atteindrait près de 110 milliards $ en 2034-2035 dû aux réformes apportées par Ottawa au programme de Sécurité de la vieillesse et aux transferts aux provinces et territoires. Au contraire, les provinces connaitraient une situation inverse. Et le pire, si on peut dire, est l’intention du ministre Leitao qui a déclaré le 17 septembre qu’il était hors de question que le Québec occupe le champ fiscal libéré par le fédéral. Ces sommes donneraient pourtant un peu de souffle à nos programmes sociaux et à nos services publics.

Le 29 novembre : un grand rendez-vous

L’année prochaine, nous aurons l’occasion de nous débarrasser des conservateurs de Stephen Harper. D’ici là, nous pouvons certainement être des dizaines de milliers dans les rues de Québec et de Montréal, le 29 novembre, pour dire haut et fort que nous refusons les mesures d’austérité du gouvernement Couillard et son opposition à défendre le Québec à l’ouest de la rivière Outaouais. C’est notre responsabilité de le faire.

Jacques Létourneau, Président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN)

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